Discussion avec le commissaire central du 8e arrondissement
Entretien
Mise à jour le 28/01/2025
Sommaire
Mathieu Terroir, commissaire central depuis avril dernier, confie son analyse du territoire et sa mobilisation en faveur de la lutte contre le monoxyde d'azote. Rencontre.
Le rendez-vous est pris avenue de Selves, allée piétonne qui relie perpendiculairement l’avenue des Champs-Elysées à l’avenue Eisenhower. C’est sous bonne escorte que nous arrivons jusqu’au bureau provisoire du commissaire, en attendant la livraison du nouveau commissariat central. Le traditionnel portrait du chef de l’Etat est fixé au mur, symbole de la République.
Mathieu Terroir est − c’est le cas de le dire − un homme du cru puisqu’il est parisien. Avant de consacrer sa vie à protéger la nôtre, il confie avoir dirigé des hôpitaux ! « C’est atypique j’en conviens : mon attrait pour la sécurité m’a permis de prendre une passerelle au sein même du service public. J’ai passé des tests et dû me former afin de pouvoir rejoindre la Police Nationale ». Avec un goût certain pour le sport et un bagage solide de manager, Mathieu Terroir a quitté l’univers des blouses blanches au profit de celui des uniformes bleu nuit.
Au sein du ministère de l’Intérieur, il a occupé différents postes et devient commissaire-adjoint du 13e arrondissement avant de prendre ses fonctions dans le 8e au printemps dernier. « C’est un challenge intéressant parce qu’il s’agit d’un modèle unique qui réunit peu d’habitants mais de nombreux usagers et touristes. C’est un important lieu de passage. » Du travail il y en a, mais ce n’est pas toujours celui que l’on croit : « C’est un territoire qui attire la convoitise et non un terrain de deal. Il n’y a pas de foyer de délinquance ».
Une délinquance itinérante selon lui, à l’image de la configuration de l’arrondissement : souvent des vols à la tire visant les touristes, proches des enseignes de luxe. Les homejacking sont rarissimes et le nombre de cambriolages est moins élevé que dans d’autres arrondissements. Des tentatives parfois déjouées par la Police Nationale : « Il n’est pas rare d’assurer des interventions avant ou pendant ceux-ci ». Le fruit d’un travail de terrain et de réseau. Le commissaire ajoute qu’il est utile d’être méfiant lorsque l’on est chez soi : « Le vol par ruse se déroule ainsi : une personne sonne et vous dit être un plombier ou bien un policier et vouloir pénétrer. Si vous avez un doute, il est recommandé d’appeler le 17 qui pourra confirmer en temps réel si une équipe de la Police Nationale se trouve ou non dans votre immeuble ».
PLUS DE MOYENS POUR AGIR
« Mon cheval de bataille aujourd’hui, c’est le protoxyde d’azote » lance Mathieu Terroir, « je connaissais bien l’arrondissement avant d’y travailler quotidiennement ; et ce auquel je ne m’attendais pas, c’est le visage des Champs-Elysées le soir sur la partie haute, entre l’avenue George V et la place l’Etoile. Le soir de la fête de la musique, j’ai pu mesurer la situation : de nombreux jeunes au volant étaient sous l’influence de ce gaz, qui met en danger les autres. Ce scenario se répète très souvent. C’est devenu un problème de santé publique ».
Attentive aux retours du commissariat et suite au drame survenu en 2021 (une automobiliste « sous proto » avait perdu le contrôle de son véhicule et fauché des piétons ), le maire Jeanne d’Hauteserre s’est emparée du sujet devant le Conseil de Paris. Son voeu a été adopté. Par ailleurs, elle souhaite que la prochaine loi sur le narcotrafic assimile le protoxyde d’azote à une drogue. En attendant, Mathieu Terroir met à profit ses effectifs le soir pour effectuer des contrôles massifs sur les automobilistes. Et faire aussi de la Prévention. Sur les Champs-Elysées comme dans les rues environnantes, vous pouvez régulièrement apercevoir sur la voie publique des bombonnes bleus échouées : celles-ci contiennent le fameux protoxyte d’azote. Et leur nombre le week-end renseigne bien sur l’ampleur du phénomène.
A l’heure de boucler cet article, nous apprenons que la Préfecture de Police a entendu l’alerte puisqu’elle a pris un arrêté (n°2024-01844), qui interdit la consommation pour les mineurs, le transport et la détention dans le quartier des Champs-Elysées.